03 85 82 52 41

Cécile Guillon, 64 ans en 2011, tient l’hôtel-restaurant de la Poste à La Grande-Verrière depuis 35 ans. Cette femme à poigne n’a pas attendu l’instauration d’une journée spéciale pour se faire respecter.

Une journée des femmes ? Je ne savais pas que c’était le 8 mars ! ». Pour Cécile Guillon, qui tient le bar-hôtel-restaurant de la Poste à La Grande-Verrière depuis 35 ans, ce genre de célébration n’est pas une priorité. « Je ne m’en occupe pas ». Mais pourquoi pas, « je vais le rappeler à mes clients ! Même pour rire, je suis sûre qu’ils me paieront l’apéro ! ». En revanche, ce jour-là, celle qui des années durant a « toujours été à l’écoute de ses clients » se contenterait bien volontiers « d’une simple marque d’affection ou d’un petit compliment ».

« J’étais le pilier de la baraque »

L’œil vif, elle interpelle son fiston en cuisine : « Mathieu, c’est la Journée des femmes mardi. T’as descendu le linge ? ». « J’y vais chef ! Et la journée des hommes, c’est 364 jours de l’année ? répond illico le jeune cuistot, en toute complicité. Nul doute, ce petit bout de femme au caractère bien trempé et aux ongles parfaits n’a pas attendu l’instauration d’une journée spéciale pour se faire respecter.

Originaire de Vaulx-Milieu dans l’Isère, Cécile est née en 1947, après guerre.

Celle qu’on surnomme aujourd’hui « La Cécile » est élevée par ses parents, paysans. À la dure. « Mon père fuyait ses responsabilités. Du coup, j’étais déjà le pilier de la baraque », soupire-t-elle.

Et les études ? Elle pouffe de rire : « Elles m’ont poursuivie ! J’ai juste mon certificat d’études et mon brevet sportif. Même que j’ai reçu le premier prix de récitation ». À la maison, « on avait peu de liberté avec mes deux sœurs. On allait à l’école. On curait les vaches ou on les gardait au pré. C’était notre seule distraction. J’ai commencé à sortir à l’âge de 18 ans et demi seulement ! ».

Elle débarque dans le Morvan à 27 ans

Pourtant, Cécile fait fi des institutions. « Ma mère a tellement été malheureuse que je ne voulais pas me marier ». Après un passage à l’usine et quatorze ans de restauration dans sa région natale, elle convole finalement en justes noces avec Antoine, conducteur aux Chemins de fer et Morvandiau de souche. « Je l’ai connu toute gamine à La Grande-Verrière quand je rendais visite à ma grand-mère maternelle ». Cécile a 27 ans. Le couple s’installe dans le bourg morvandiau, « pour soigner ma grand-mère et ma grand-tante jusqu’à leur décès car je reste très attachée aux personnes âgées ».

Des parties de rigolade aux paires de claques

En 1976, avec un bébé de sept mois sur les bras, la jeune Iséroise reprend, seule, le commerce local. Avec courage, elle mène de front l’épicerie, l’hôtellerie, la restauration et le service au bar. Les souvenirs se bousculent : « Je faisais la popote sur un gaz à quatre feux. Le four était percé. J’en ai bavé. J’ai rigolé et pleuré des bons coups. Par contre, je ne regrette rien ».

À l’époque, « je travaillais beaucoup plus au bar. J’étais entourée de garçons. Les vieux venaient taper la belote, fumaient leur maïs ». D’emblée, elle leur annonçait la couleur et martelait à qui voulait bien l’entendre : « Écoutez-moi, je suis toute seule, l’Antoine n’est jamais là mais dites-vous bien que je saurai me défendre pour trois ! ». Résultat ? « J’ai eu de la chance. Les mecs ont toujours été respectueux avec moi ». En revanche au moindre écart de conduite « c’était la paire de claque assurée ! ».

« La vie te forge le caractère »

Avec sa gouaille légendaire qui fait rire tout le monde, Cécile pouffe, s’enflamme, blague et oubliera cette journée qu’elle prend « à la rigolade ». 8 mars ou pas, celle qui se définit comme « une maîtresse femme » se tourne sur 35 années de travail d’arrache-pied. « J’ai tellement donné ici ! La vie te forge à devenir ce que tu es devenue. J’ai quand même eu quatre mioches dans tout cela. Le bon Dieu m’a pris un fils mais m’a donné une bonne santé ». Cette année, « La Cécile » fête ses 64 ans et n’est pas décidée à renoncer à son bar-hôtel-restaurant. « Je suis censée être à la retraite, mais psychologiquement, je ne suis pas prête à partir. Le contact me manquerait trop. Sans compter l’ambiance du bistrot ».

Un commercial passe la porte. « Vous êtes la patronne ? » interroge-t-il. « Je suis la patronne » répond Cécile, « petite patronne mais patronne quand même ! ».

« La Cécile », un petit bout de bonne femme pleine de naturel, tendrement impertinente mais particulièrement attachante.

Source : le 08/03/2011 à 05:00 | Catherine Desbrosses | Le JSL | lien vers l’article